Je l’avoue, après avoir subi une bonne petite poussée « covidée » bien désagréable à souhait et qui m’a littéralement mis sur les genoux, plusieurs papiers sont restés en suspens, dont le Lili Marlen de Fassbinder, le Gran Torino d’Eastwood ou encore Une vieille maîtresse de Breillat. S’ils sont en phase de finalisation, j’ai cherché, par effet de facilité non feinte, à chroniquer un film quelque peu anecdotique, mais qui m’avait laissé un souvenir agréable à défaut d’être totalement maîtrisé.
Oblivion, deuxième film de Jospeh Kosinski (Tron l’héritage) vu en 2013 déjà, brasse une multitude de thématiques d’un genre prodigue – la science-fiction – dont il est, il faut l’avouer, un vrai représentant. Malgré la présence d’une star du calibre de Tom Cruise – toujours aussi magnétique –, Oblivion ne fut pas conçu à proprement parlé sur le modèle des blockbusters estivaux décérébrés qui font, malheureusement, florès aujourd’hui. Même si sa recherche d’épure stylistique est réussie, il ne peut se soustraire totalement à l’évolution d’un scénario à « twists » au demeurant très classique dans sa construction narrative. Malgré tout, la représentation domine pour nous offrir quelques moments de vrai cinéma, c’est-à-dire avec cette sincérité qui caractérise une ambition visuelle au service d’une histoire simple autour d’un intime torturé synonyme des dérèglements à venir.

Ce double regard structure une histoire entre ciel et terre par moment palpitant qui essaie, vaille que vaille, de donner corps à un long-métrage bien vite creux même si graphiquement somptueux (merci Darren Gilford). En effet, à trop vouloir soigner son visuel comme sa mise en scène, Kosinski sacrifie toute aspérité capable de tendre l’histoire au-delà des doutes et des interrogations qui assaillent Jack. Nous comprenons, alors, que le film sera peut-être malin, mais aucunement subversif dès l’arrivée de Julia après le crash de sa capsule spatiale. Cet « élément » perturbateur ravivera ce qui semblait définitivement perdu sans pourtant faire exploser le huis clos initial à l’infini démesuré, véritable champ de jeu sur fond de clonage, de résistance et d’amour d’un autre temps.
Proche – trop ? – du Moon de Duncan Jones dans sa partie introductive malgré la présence d’une partenaire (Vika), Oblivion gravite dans un même enferment psychologique rythmé par la répétition de tâches journalières. Jusqu’au jour où la mécanique, pourtant bien huilée, grippe. Et le film avec. C’est franchement dommage, car la mise en bouche à l’immersion géo-psychologique démontrait un véritable savoir-faire comme une volonté, a priori farouche, de proposer un film de science-fiction adulte aux références littéraires assumées. La mélancolie en filigrane m’avait plu, elle-même soutenue par une romance double avant qu’elle ne devienne à sens unique, oubliant l’ivresse d’un monde a priori désertique. Le huis clos planétaire se rétrécit au profit de la variation plutôt éculée du héros providentiel libérateur des peuples.
Alors oui, le film de Kosinski prend son temps, explore l’épure d’une humanité absente, crée des failles, éparpille ses petites pierres en forme de rebondissements plus ou moins habiles et régurgite avec une belle linéarité maintes thématiques propres au film post-apocalyptique. Mais sans originalité ni affect.
Soit la marque d’un beau film incapable d’apporter une once de créativité autre que visuelle. Je dois dire que le pari aurait pu être réussi si Kosinski avait su retranscrire les vertiges d’un tiraillement ontologique, signe d’une humanité encore vivace et portée par cette force de vie qu’est l’amour, comme l’a si bien fait Nolan avec Interstellar. Cela nous aurait sans doute évité un dénouement aussi explicite que léger.
Geoffroy Blondeau
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Oblivion, un film de Joseph Kosinski
États-Unis. 2013. 2h06