François Dupeyron (1950-2016) dont il faut revoir La Chambre des officiers (2001), réalise en 2008 Aide-toi, le ciel t’aidera, une comédie dramatique pleine de ressource qui repose essentiellement sur le jeu irrésistible de Félicité Wouassi absolument magnifique en Sonia « mère courage ». En revoyant le film, qui n’a rien perdu de sa fantaisie sociale bienfaitrice pour le moins bariolée, je m’étonne de ne pas avoir aperçu plus souvent Felicité Wouassi arpenter d’autres horizons cinématographiques tant l’actrice porte à bras le corps cette tragi-comédie en forme de conte des temps modernes irrévérencieux, mais toujours sincère dans son approche.

Entre un mari joueur et colérique, un fils dealer, une fille enceinte et une autre à marier, la vie de Sonia est loin d’être de tout repos. Alors quand le mari décède sur le lit conjugal à la suite d’une crise cardiaque le jour du mariage de sa fille aînée, Sonia craque, pleure, se reprend, cache la vérité à ses enfants et demande l’aide de Robert son voisin de palier (incarné par le regretté et génial Claude Rich).
Afin de nous plonger au cœur de cette histoire un brin rocambolesque, le réalisateur use avec une certaine délectation du décalage entre les obstacles rencontrés par cette mère hors norme et la façon dont elle s’y prend pour y remédier. Le dynamisme de la mise en scène est motivé par ce personnage haut en couleur prêt à en découdre avec les vicissitudes de la vie. L’écriture est ciselée, parfois osée et offre au long métrage une liberté de ton plus fictionnelle que réaliste malgré les drames qu’il convient de cacher pour ne garder en soi et au regard des autres l’attitude enjouée de façade qui s’impose.
C’est pourquoi, au lieu de s’empêtrer dans une énième analyse sociologique de la cité, François Dupeyron préfère brosser le portrait de cette mère énergique, attachante, loin de la caricature facile qui aurait pu poindre rapidement le bout de son nez, entre force et fragilité de circonstance. En effet, l’accumulation des soucis motive un quotidien déjà pesant, parfois dur, triste ou émouvant, mais jamais misérabiliste. Le cinéaste ayant, qui plus est, eu la bonne idée de replacer le contexte du film pendant la terrible canicule de 2003, il ajoute une temporalité exceptionnelle, puisque rarissime par son ampleur, qui ne peut qu’attiser les esprits et fatiguer les corps. La vitalité des ressorts scénaristiques nous frappe alors doublement et entérine la transformation de Sonia.
Coincé entre les évènements d’un film terriblement humain mitonné à la sauce des grands classiques italiens des années 70, Dupeyron porte une réflexion courageuse sur le désespoir de Sonia et la solitude de Robert qui, par la nature des évènements, vont être amenés à s’entraider. Pour autant, le cinéaste ne s’apitoie pas sur les conditions de vie des deux voisins de palier. Au contraire, il tisse une relation particulière à partir de besoins différents, mais finalement complémentaires. Si la présence de Sonia redonne une raison de vivre à Robert, celle-ci trouve auprès de cet octogénaire malicieux une tranquillité apaisante comme réconfortante. En s’offrant au regard de Robert lors d’une scène émouvante, Sonia va bien au-delà du désir d’un vieil homme et prend conscience de sa féminité, de sa force de vie, et de cette liberté que trop peu de femmes n’osent encore revendiquer.
Elle n’est plus la mère, l’épouse ou la maîtresse de maison, mais une femme enfin libérée qui osera, malgré les coups du sort de la vie, affronter le choix de l’amour avec l’ambulancier Fer.
Geoffroy Blondeau
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Aide-toi, le ciel t’aidera, un film de François Dupeyron
France. 2008. 1h34